La Cybergéonomie, nouvelle discipline [2025]

 

L’émergence de la Cybergéonomie comme discipline nouvelle répond à un besoin urgent de notre époque : comprendre et maîtriser les dynamiques complexes qui lient l’écosystème numérique, les flux énergétiques et les ressources stratégiques. À l’ère où le numérique redéfinit les rapports de force mondiaux, les matières premières critiques – telles que le lithium, le cobalt, les terres rares ou encore le cuivre – deviennent les piliers d’une révolution technologique qui façonne nos sociétés. Ces ressources, indispensables à la fabrication des batteries, semi-conducteurs et autres composants essentiels, ne sont plus de simples « commodités » : elles sont les leviers d’une nouvelle souveraineté énergétique et numérique.
 
Définitions :

La génonomie se concentre sur l’interaction entre les ressources géologiques (fossiles et minérales) et les activités humaines, notamment celles à forte consommation énergétique comme l’industrie, les transports ou le numérique. 
Le terme provient initialement du naturaliste roumain Grigore Antipa (1867-1944) puis du géologue austro-hongrois Gyula Szádeczky-Kardoss (1860-1935).
La géonomie analyse comment l’exploitation de ces ressources soutient le développement économique et technologique, tout en posant des défis environnementaux et sociaux : épuisement des réserves, pollution, inégalités d’accès. 

Dans un monde où la demande énergétique croît, notamment pour alimenter les infrastructures numériques (centres de données, réseaux 5G, intelligence artificielle), la génonomie met en lumière la dépendance des sociétés modernes aux ressources non renouvelables. Par exemple, la production de batteries pour véhicules électriques ou de semi-conducteurs repose sur des métaux comme le lithium, le cobalt ou le silicium, dont l’extraction a des impacts écologiques et géopolitiques majeurs. La génonomie interroge ainsi la soutenabilité de ces modèles et cherche des voies pour optimiser l’usage des ressources tout en réduisant les externalités négatives.


La cybernétique, initiée par Norbert Wiener (1894-1964) dans les années 1940, étudie les mécanismes de communication et de contrôle dans les systèmes, qu’ils soient biologiques, mécaniques ou sociaux. Elle s’intéresse aux boucles de rétroaction (feedback loops) qui permettent à un système de s’auto-réguler ou de s’adapter. Dans le contexte moderne, la cybernétique trouve des applications dans l’intelligence artificielle, l’automatisation, les réseaux de communication et les interfaces homme-machine.
 
La cyberstratégie, fille de la cybernétique, est au cœur de la révolution numérique, car elle permet de gérer des flux d’information complexes entre humains et machines. Par exemple, les algorithmes d’apprentissage automatique s’appuient sur des principes cybernétiques pour ajuster leurs comportements en fonction des données reçues. De même, les systèmes de gestion intelligente des réseaux électriques intelligents (smart grids) utilisent des boucles de rétroaction pour optimiser la distribution d’électricité en temps réel. Le tout dans un cadre d'action spécifique : le cyberespace.
  
Or, le cyberespace est aujourd’hui reconnu comme le cinquième espace stratégique, s’ajoutant à la terre, la mer, l’air et l’espace. Ce domaine, principalement constitué des réseaux numériques, des infrastructures informatiques et des flux de données, se distingue par sa transversalité : il interconnecte et influence les quatre autres milieux. Dans l’industrie civile, il sous-tend les communications, les transactions économiques et les systèmes critiques comme les réseaux électriques ou les transports. Dans le domaine militaire, il est devenu un théâtre d’opérations à part entière, où se déploient cyberattaques, espionnage numérique et guerre informationnelle, impactant directement et indirectement les capacités opérationnelles sur les autres terrains.

Cette capacité stratégique du cyberespace repose sur une dépendance forte aux matières premières stratégiques, voire critiques, telles que le silicium, le lithium, le cobalt ou les terres rares, essentiels à la fabrication des semi-conducteurs, des batteries et d'autres composants électroniques. Ces ressources, souvent concentrées dans quelques régions du globe, sont indispensables pour maintenir et développer les infrastructures numériques, rendant leur approvisionnement un enjeu géopolitique majeur. S'y ajoute la problématique de plus en plus lancinante de l'énergie et de son stockage pour alimenter à la fois les centres de données et les unités de calculs. Ainsi, la maîtrise du cyberespace, par son rôle transversal et ses besoins matériels et énergétiques, est cruciale pour la sécurité et la compétitivité des nations dans les sphères civile et militaire.  
 
Cyberstratégie + Géonomie :

Les deux disciplines se rencontrent dans leur contribution à la gestion des systèmes complexes, notamment dans le cadre de la transition énergétique et numérique. Voici quelques points d’intersection clefs :
 
  • Gestion optimisée des ressources : la cybernétique offre des outils pour améliorer l’efficacité de l’exploitation et de l’utilisation des ressources géologiques. Par exemple, les systèmes cybernétiques permettent de modéliser et de contrôler les chaînes d’approvisionnement en minerais ou en énergie, réduisant les gaspillages. Les réseaux électriques intelligents (smart grids), mentionnés plus haut, illustrent comment la cybernétique peut répondre aux préoccupations génonomiques en équilibrant la demande énergétique avec les ressources disponibles.
  • Numérisation et dépendance énergétique : la révolution numérique, portée par la cybernétique, repose sur une infrastructure matérielle gourmande en ressources géologiques. Les centres de données avec leurs serveurs (data centers), par exemple, consomment d’énormes quantités d’électricité et nécessitent des métaux rares pour leurs composants. La génonomie met en garde contre les limites de cette dépendance, tandis que la cybernétique propose des solutions pour optimiser la consommation énergétique, comme des algorithmes d’efficacité énergétique ou des architectures de calcul plus sobres.
  • Rétroaction et soutenabilité : les principes cybernétiques de rétroaction sont essentiels pour intégrer les préoccupations génonomiques dans les systèmes technologiques. Par exemple, des capteurs IoT (Internet des objets) peuvent collecter des données en temps réel sur l’état des ressources (niveaux de minerais, qualité et quantité d'iceux) et alimenter des modèles prédictifs pour une exploitation plus durable. Ces boucles de rétroaction permettent d’adapter les activités humaines aux contraintes géologiques.
  • Interface homme-machine et gouvernance : la cybernétique, en facilitant la communication entre humains et machines, peut également soutenir une gouvernance génonomique. Des plateformes basées sur l’intelligence artificielle peuvent aider à simuler les impacts de l’exploitation des ressources, à sensibiliser les décideurs et à coordonner des politiques globales pour une gestion durable.
La Cybergéonomie propose une approche intégrée pour analyser ces enjeux. Elle dépasse les silos traditionnels en combinant l’étude des flux numériques (données transitant par les infrastructures d'infonuagique ou d'infonébullisation, les satellites, les câbles terrestres et sous-marins, les tours de télécommunication etc.) avec celle des chaînes d’approvisionnement physiques, souvent concentrées dans des régions géopolitiquement sensibles. Par exemple, la dépendance envers des pays comme la Chine pour les terres rares ou la République démocratique du Congo pour le cobalt expose les nations à des vulnérabilités stratégiques majeures. Dans ce contexte, la Cybergéonomie offre un cadre pour anticiper les tensions, diversifier les sources d’approvisionnement et sécuriser les technologies critiques face aux rivalités internationales.
 
En outre, cette discipline met en lumière l’interconnexion entre les couches virtuelles (logicielle et informationnelle) et la matérielle. Les cyberattaques visant les infrastructures minières ou logistiques, par exemple, peuvent paralyser l’accès aux matières premières, tandis que le contrôle des données massives (Big Data) permet d’optimiser leur extraction et leur distribution. Ainsi, la Cybergéonomie ne se limite pas à une vision économique : elle intègre la Cybersécurité comme facteur clé de résilience face aux disruptions.
 
Un exemple factuel : les matières premières stratégiques jouent un rôle clé dans la construction d’un drone électrique (mobilité 3.0, car électrique, autonome et connectée), puisqu'elles garantissent la performance, la durabilité et l’efficacité de l’appareil. Des matériaux comme le lithium, essentiel pour les batteries haute capacité, ou les terres rares, utilisées dans les moteurs électriques et les capteurs, sont indispensables pour assurer une autonomie prolongée et une précision optimale. Leur disponibilité et leur qualité influencent directement les coûts de production et la compétitivité technologique. Dans un contexte de transition énergétique, sécuriser l’accès à ces ressources devient une priorité pour soutenir l’innovation et répondre à la demande croissante en drones électriques.
 
Promouvoir cette discipline, c’est doter les décideurs politiques, les entreprises et les chercheurs d’outils pour naviguer dans un monde où la puissance se mesure autant en téraoctets qu’en tonnes de minerais. C’est aussi encourager une gestion durable et éthique de ces ressources, afin que la transition numérique ne se fasse pas au détriment des équilibres environnementaux ou sociaux. En somme, la Cybergéonomie n’est pas seulement une réponse aux défis d’aujourd’hui : elle est une vision proactive pour bâtir un avenir où technologie et économie s’harmonisent au service du progrès global et d'une gestion rationnelle des ressources en matières premières, notoirement critiques.
 
Les puissances contemporaines les plus en vue seront celles qui pourront combiner la maîtrise algorithmique, la maîtrise métallurgique et la maîtrise énergétique. 

Pour résumer : Au sein du cyberespace, la cyberstratégie c'est la gestion des ressources numériques, la cybergéonomie c'est la gestion des ressources géologiques.